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Rêves d’un petit chat somnambule

Mohammed El Amraoui, poèmes ; Fanny BATT, illustrations

Éditeur : Jacques André éditeur, décembre 2021

Collection / Série : La Marque d'eau ; 12

Prix de vente au public (TTC) : 18 €

Chachou est un chat qui fait des rêves. Dans sa petite tête de chat, il imagine un monde meilleur, parfois, il fait des cauchemars. Mais ses rêves sont le plus souvent merveilleux. Il observe les arbres, une éclipse, des enfants, la rue, le restaurant, sa maîtresse, la voisine de sa maîtresse. Avec ses rêves, il joue avec les éléments et les mots, il se pose des questions très philosophiques, il voyage, il se moque de ce qui le dérange, il se souvient de sa mère, il propose des devinettes, il miaule, il chante, il nous raconte la vie. Les dessins de Fanny Batt viennent donner forme à ses rêves qui deviennent les nôtres.

L’ensemble de poèmes forment un seul finalement comme un collier où s’enfilent les nuits.

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La porte de l’école

 

Quatre clous et une clef

dansent et chantent

dans les yeux d’une serrure :

 

Clef de sol, clef de cils

 

Les sourcils vers le ciel

et les pieds sur le sol

se déchaînent :

 

Clef de sol, clef de cils

 

Et la porte de l’école

serre la main à la maîtresse

et lui dit :

 

Ouvre-moi de ta clef

sur le monde !

 

 

 

Arbre

 

J’ai vu

un arbre surgir

dans un vaste terrain vague

hivernal et gracile

comme une main

qui se tend vers le ciel

 

pour atteindre les nuages

où trône un vieux sage

à la barbe blanche et douce

épaulé d’un étrange

et sublime arc-en-ciel

 

L’arbre s’étendait

Cinq branches :

 

une bleue

comme la pureté de la mer

un jour de soleil

 

une rouge

comme le sang qui coule

dans les veines de ma langue

et m’unit à ma mère

 

une verte

comme les feuilles d’olivier

qui recouvrent le village

de ma mère

une violette

comme une violette

ou une belle pensée sauvage

dans le creux de ma tête

quand je pense à ma mère

 

et une rousse

comme une lune rousse

à l’horizon

qui se courbe sur les pages

fines cornées

des vieux livres reliés

sur le bureau de mon père

le grammairien

 

Le sage se pencha

sur une branche

et chuchota aux oreilles

de la seule feuille qui

fébrilement pendait :

 

Ces nuages qui ourlent ta tête

sont des étoffes effilochées

et dont les franges

sont des rêves suspendus

 

et la terre à tes pieds

est un livre

un grand livre

un grand livre vieux

où jouent des mômes, des

chiens, des

herbes, des fleurs, des

vagues, des pierres

et d’autres mots précieux

que désormais

tu apprendras

 

et la sève qui le nourrit

la seule sève qui le nourrit

c’est ton doux espoir

d’enfanter au printemps

d’autres feuilles

sur les bras de cet arbre

 

 

Les esses

 

Ce soir-là, comme souvent

je m’installai

sur le sofa du salon

Je scellai soigneusement

mes ravissants cils

que surlignait le mascara

de ma superbe maîtresse

je respirais assez doucement

et commençai à m’assoupir

et m’enfonçai dans le sommeil

                                                                

Mon souffle sortait

et dessinait, à mon insu

une spirale étourdissante

et surprenante d’esses

qui se tressaient dans l’espace

suivies de fresques gigantesques :

 

Je vis ainsi

sur le sommet d’un gratte-ciel

un sablier excentrique

où s’écoulaient seconde après seconde

des sortilèges bleu foncé

 

et des sauterelles autour de lui

sautaient, dansaient

 

des échassiers époustouflants

dressaient leurs sombres silhouettes

 

des serpents éblouissants

aux squames scintillantes

glissaient leurs corps discrètement

sous les sourcils du ciel

leur sifflement si strident

et lancinant

assourdissait l’atmosphère

comme d’incisives scies

 

Et ça grinçait, et ça crissait

ça tronçonnait en plein sommeil

mon songe

 

Je suffoquais

puis brusquement

quelqu’un sonna

C’était la sœur de ma maîtresse

J’en étais sûr à sa façon

de harceler la pauvre sonnette

et secouer toute la cité

 

Je sursautai

 

D’un geste sec

je me soulevai

et ma maîtresse toute en détresse :

Oh ! non, ma sœur

t’as angoissé le pauv’ Chachou !

 

Elles se penchèrent

et déversèrent leurs douces caresses

et leurs sourires, et leur salive

sur ma pelisse

 

puis harassé

je me sauvai

 

Une voix gracieuse

surgit du seuil :

On va aller au cinéma

tu restes sage !

 

Je contestai, je suppliai

je voulais pas qu’on me laisse seul

dans mes pensées si cauchemardesques

si fantastiques, si oppressantes

 

Je fis un saut sur le sofa

et lacérai et cisaillai et dépeçai

délicieusement son vieux tissu

pour soulager ma peine perdue

 

la lassitude me submergea

exténué, je succombai à la tristesse

 

et les morceaux tout dispersés

du vieux tissu

s’entrelaçaient, se torsadaient

s’insinuaient dans mon sommeil

allaient rejoindre les serpents

se transformant en cerisiers

fluorescents

 

Le sablier excentrique

amortissait le ruissellement

des sortilèges

et surplombait le gratte-ciel

comme un accent circonflexe

serti de pierres précieuses

et d’autres songes splendides

 

 

 

 

Jardin

 

Qui était le coupable

cette nuit, côté cour du jardin, de

mon réveil abrupt ?

 

Les fleurs s’endormaient

Le ciel se fendait la poire

Le gazon était vert de peur

Les branches des arbres étaient vêtues

de blanc

 

Sur les bancs des accusés

il y avait tout un tas

de binômes insolites :

 

La nuit blanche des neiges

La poule frémissante de la peur

Le tic-tac palpitant des cœurs

Le silence sourd des mots

Le sourcil touffu de l’arc-en-ciel

L’iris bourgeonnant du cyclope

L’ombre ricanante de la lumière

Les aiguilles hérissées de l’horloge

Le livre invisible des fantômes

Le cimetière fleuri des souvenirs

Le lit argileux des rêves

Le rêve somptueux des insomnies

Les sombres contours des flammes

L’essaim vrombissant des questions

L’arbre effeuillé de l’histoire

La folie glissante du savon

L’éclair intermittent des miroirs

Le miroir louche des yeux

Les lunettes grossissantes de l’imaginaire

Le rire flamboyant des fissures

Le portail grinçant du vent

Les canines souriantes du lion

Les pas rembourrés du loup

Le cadet orangé des soucis

Les cartes imbattables du château

Les nuages moelleux de l’oreiller

L’oreiller écumeux des rochers

L’empreinte limpide de l’eau

Les chants ensemencés du blé

La pointe pointue du jour

L’étoile filante des araignées

La nuit pleine de la lune

La lune enceinte de croissants

La langue râpeuse du perroquet

La pomme croustillante du pin

Et les rubans satinés de Noël

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